Accidents de ski et responsabilités
Manon Fumey
11/15/20246 min read


Sur les pistes de ski, chacun doit être maître de sa vitesse et de sa trajectoire. Les accidents sont toutefois nombreux (plus de 140 000 blessés par an).
Le Système National d'Observatoire de la Sécurité en Montagne recense chaque année les interventions sur le domaine skiable des services de pistes et ses chiffres sont les suivants :
environ 50 000 interventions sur le domaine skiable, avec en moyenne 1 blessé par intervention, pour 8 millions de pratiquants,
environ 15 tués par an sur les pistes,
moins de 0,5% de morts traumatiques pour 100 victimes.
Les blessures au genou, à l’épaule, au torse, à la hanche, au fémur et au tibia, ainsi qu’au niveau des membres inférieurs sont les plus fréquentes.
Sur le plan juridique, il est impératif de déterminer les responsabilités pour obtenir la meilleure indemnisation possible.
Les accidents de montagne se divisent principalement en quatre catégories :
I. Les accidents de collision entre deux skieurs,
II. Les accidents de remontées mécaniques,
III. Les accidents liés au défaut d'entretien ou de signalisation des pistes,
IV. Les accidents survenus sans tiers.
Quels sont vos droits ?
I. Les accidents en cas de collision entre deux skieurs
Lors d’une collision entre deux skieurs, ce sont les règles de la responsabilité civile qui s’appliquent. L’indemnisation sera due par celui des deux qui a fauté ou s’est montré imprudent / négligent. C’est un cas de responsabilité subjective qui suppose la démonstration d’un comportement contraire aux règles de bonnes conduites.
Un skieur ou snowboarder qui en heurte un autre peut également être tenu responsable du fait des choses (planches, skis, bâtons) qui ont causé le dommage car on considère qu’il en est le gardien. La responsabilité du fait des choses est dite objective : il suffira à la victime de prouver la réalité du dommage et l'existence du choc avec la chose pour que le gardien de la chose soit reconnu responsable.
Dans tous les cas de figure, il restera toujours possible pour l'auteur du dommage de faire valoir, afin d’être exonéré de toute ou partie de sa responsabilité :
qu'il n'a pas pu éviter le dommage pour des raisons insurmontables (force majeure).
une faute de la part de la victime, appréciée « in concreto », c’est-à-dire en tenant compte des circonstances précises de l’accident : temps, qualité de la neige, connaissance des pistes et niveau de ski.
Quant à l'étendue de la responsabilité pour faute, il est de jurisprudence constante que l'on peut être reconnu responsable d'un accident de montagne sans avoir eu à entrer en collision avec la victime, si par un comportement inopportun, on en vient à faire peur à un autre skieur, qui se blesse ensuite.
Pour rappel, deux règles fondamentales :
Chaque skieur doit rester maître de sa vitesse et de son comportement et s'adapter à la situation,
Le skieur en amont se doit de maîtriser sa vitesse et de laisser priorité au skieur en aval dès lors que le skieur en amont est présumé avoir une meilleure vision de la situation et se doit, s'il veut dépasser l'autre skieur, de le faire sans le mettre en danger.
II. Les accidents de remontées mécaniques
Il arrive que les accidents de montagne ne se produisent pas sur les pistes, mais sur les appareils de remontées mécaniques, télésiège, télécabine, téléski... C'est un régime de responsabilité différent qui trouvera à s'appliquer.
En effet, quel que soit l'appareil de remontées mécaniques, naît entre l'utilisateur et l'exploitant de la machine, un contrat de transport. On se trouve alors dans un cadre contractuel, étant précisé qu’un contrat de transport suppose une obligation de sécurité de la part du transporteur.
En matière d'accidents de montagne, la jurisprudence a affiné sa position. L’obligation de sécurité est à présent duale :
Une obligation de moyens (l'exploitant de la machine pourra se dédouaner s'il démontre qu'il a tout mis œuvre avec diligence pour éviter l'accident),
Une obligation de résultat (si la machine a causé un dommage, la simple existence du dommage oblige l'exploitant à réparation).
L'obligation de sécurité est de moyens lorsque la victime a eu un rôle actif, notamment à l'embarquement et au débarquement. L'exploitant devra simplement démontrer qu'il n'a pas commis de faute et qu'il a tout mis en œuvre pour prévenir l'accident.
L'obligation de sécurité est de résultat lorsque la victime a un rôle passif, c'est-à-dire durant tout le voyage en ce qui concerne les télécabines et les télésièges. On considère en revanche que les skieurs se trouvant sur les téléskis ont un rôle actif sur l'ensemble du parcours.
Quel que soit l'exploitant, personne privée ou morale, la gestion de remontées mécaniques sera considérée comme un SPIC (service public industriel et commercial). De ce fait, les contrats nés entre exploitants et les skieurs sont de droit privé et le juge judiciaire sera donc seul compétent.
III. Les accidents liés au défaut d'entretien ou de signalisation des pistes
Si la chute est due à un mauvais entretien des pistes ou à une absence de lisibilité et de signalisation des dangers que présente la montagne, il s’agira de rechercher la responsabilité de la société exploitante de la station de ski ou bien de la commune en ce qu'elle a failli à son obligation de sécurité.
En cas de défaut d'entretien il est nécessaire d'actionner la responsabilité de l'entreprise concessionnaire chargée d'exploiter la station de ski ou de la commune si elle gère directement en régie la station de ski.
Le Conseil d'Etat (CE, 19 fév 2009, n° 293020) a clarifié la question de la compétence du juge à saisir lors d'un défaut d'entretien et de sécurité des pistes de ski. Dorénavant, et même si la station de ski est exploitée en régie directe par la commune, seul le juge judiciaire est compétent.
L'obligation d'entretien des pistes de ski est une obligation de moyens. L'organisme mis en cause verra sa responsabilité retenue si la victime parvient à rapporter la preuve que tous les moyens n'ont pas été mis en œuvre pour lutter contre les risques d'accidents.
Si la commune ne gère pas la station de ski, mais a délégué à un concessionnaire le soin de le faire, il reste possible d'engager la responsabilité de la commune sur le fondement du pouvoir administratif général du maire qui a pour mission de protéger les personnes et les biens.
En effet, la commune est débitrice d’obligations en matière de prévention des accidents. Elle doit avoir mis en œuvre les mesures nécessaires pour éviter des accidents (fermeture des pistes, mise en place de protections contre les éboulements et de panneaux de signalisation de danger, etc).
Le champ de la responsabilité de la commune est cependant limité. Ainsi, la commune n'est pas responsable lorsque le skieur pratiquait du « véritable hors-piste »
En revanche, a été reconnue responsable la commune qui n'avait pas respecté son obligation d'information et n'avait pas signalé les dangers d'une « dénivellation profonde et abrupte, présentant un danger exceptionnel, sur une zone de hors-piste, mais qui constituait un parcours habituel des skieurs » CE 22 décembre 1971 Commune Mont-de-Lans.
IV. Les accidents sans tiers responsable et le cas spécifique des avalanches
Quel que soit le niveau du skieur, personne est à l’abri d’une mauvaise chute, d’une plaque de verglas inattendue ou d’une faute d’inattention.
Le skieur qui se blesse seul ou qui se trouve emporté dans une avalanche (chaque année en France 150 à 200 personnes sont emportées et 25 à 30 d’entre elles décèdent) pourra également obtenir l’indemnisation de son préjudice.
En effet, si aucune action en réparation n’est possible dans ce type d’accident car les dommages subis par le skieur résultent simplement de son fait, il est en revanche possible qu’il soit couvert par une assurance au titre, par exemple, d’une garantie accident de la vie.
Dans l’ensemble de ces cas de figure, dès lors que le principe de l’indemnisation est acté, la mise en place d’une expertise médicale est indispensable. Des difficultés peuvent alors survenir au stade de l’évaluation auprès du médecin de la compagnie d’assurance et du chiffrage de l’indemnisation ; l’assistance par un binôme Avocat – médecin conseil est hautement conseillée.
