Blessures entre enfants et infraction pénale
Manon Fumey
1/20/20252 min read


Les coups de hochet portés par un enfant de 2 ans sur un autre enfant peuvent-ils être qualifiés d'infraction pénale ? C’est par l’affirmative que la Cour de cassation a répondu à cette question par un arrêt du 11 juillet 2024 (Cass. civ. 2, pourvoi n° 22-24.713), opérant ainsi un revirement de jurisprudence.
Les faits sont les suivants : Un nourrisson de 4 mois gardé chez une assistante maternelle subit un grave traumatisme crânien laissant subsister des séquelles considérables. L’assistante maternelle expliquera qu’un enfant âgé de 2 ans a frappé le nourrisson avec un hochet de dentition pendant qu’elle s’occupait d’un troisième enfant dans une autre pièce.
L’assistante maternelle est déclarée civilement responsable du dommage mais la demande de garantie dirigée contre son assureur est rejetée.
Les parents de la victime saisissent alors la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), afin que leur enfant puisse être indemnisé par le Fonds de Garantie des Victimes (FGTI).
Au cours de la procédure, le FGTI soutient que le fait, pour un enfant de deux ans, de frapper un autre enfant avec un hochet de dentition, ne constitue, compte tenu de son âge, ni une maladresse pouvant revêtir le caractère matériel de l’infraction de blessures involontaires, ni un acte intentionnel pouvant revêtir le caractère matériel de l’infraction de violences volontaires.
La Cour de cassation adopte toutefois une toute autre analyse et rejette son pourvoi, considérant que : « La Cour d'appel ayant mis en évidence le fait que Mme [F] [P], alors âgée de 4 mois, 𝐧𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐯𝐚𝐢𝐭 𝐚𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐬𝐮𝐛𝐢 𝐥𝐞𝐬 𝐛𝐥𝐞𝐬𝐬𝐮𝐫𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐭𝐚𝐭𝐞́ 𝐞𝐬 𝐬𝐚𝐧𝐬 𝐥' 𝐢𝐧𝐭𝐞𝐫𝐯𝐞𝐧𝐭𝐢𝐨𝐧, 𝐯𝐨𝐥𝐨𝐧𝐭𝐚𝐢𝐫𝐞 𝐨𝐮 𝐧𝐨𝐧, 𝐝' 𝐮𝐧 𝐭𝐢𝐞𝐫𝐬 et ayant ainsi établi l'existence de faits présentant le caractère matériel de l'infraction de violences volontaires ou de blessures involontaires, rendant recevable la demande d’indemnisation devant la CIVI, 𝐩𝐞𝐮 𝐢𝐦𝐩𝐨𝐫𝐭𝐚𝐧𝐭 𝐥’ 𝐢𝐝𝐞𝐧𝐭𝐢𝐭𝐞́ 𝐝𝐞 𝐥𝐞𝐮𝐫 𝐚𝐮𝐭𝐞𝐮𝐫, elle a parfaitement motivé sa décision. »
La Cour de cassation revient ainsi sur sa jurisprudence du 13 juin 2019 (Cass. civ. 2e., 13 juin 2019, n°18-15.451), aux termes de laquelle elle avait jugé, concernant un enfant de 4 ans poussé par un autre enfant du même âge que, compte tenu de l’âge de l’auteur, les faits ne constituaient pas une maladresse ou imprudence pouvait constituer le caractère matériel de l’infraction de blessures involontaires.
