Le sort du passager victime, conscient de l’absence de permis du conducteur

Revirement de jurisprudence en la matière !

Manon Fumey

2/26/20253 min read

Revirement de jurisprudence en la matière !

1/ Les faits :

Les faits de l’espèce concernaient le propriétaire d’un véhicule ayant laissé un tiers le conduire, en sachant que ce dernier n’était pas titulaire du permis. Le conducteur perdait le contrôle du véhicule et le propriétaire-passager, était blessé. Ce dernier engageait une procédure pour obtenir réparation de son préjudice corporel.

L’assureur du véhicule lui opposait une clause d’exclusion de garantie au motif qu’il avait laissé conduire son véhicule par une personne qui n’avait pas le permis de conduire, en toute connaissance de cause.

Juridiquement, selon l’article R211-13 du Code des assurances, une telle exclusion de garantie ne peut être opposée à la victime. La Cour de cassation avait toutefois instauré une exception: les clauses d’exclusion étaient opposables à la victime souscriptrice du contrat d’assurance lorsqu’elle avait laissé conduire son véhicule par une personne qu’elle savait ne pas être titulaire du permis de conduire.

Les juges du fond appliquaient ce principe et déclaraient recevable l’exclusion de garantie.

Le droit européen protégeait néanmoins les victimes dans cette situation :

  • Article 13 de la directive 2009/103/CE : la clause du contrat d’assurance qui exclut la garantie en cas de conduite par une personne sans permis est réputée sans effet vis-à-vis du tiers lésé dans l’accident.

  • CJUE, 19 septembre 2024 C-236/23 : la qualité de souscripteur du contrat d’assurance du passager ne le prive pas de sa qualité de tiers lésé.

2/ La procédure :

Dans le cadre de la procédure sur intérêts civils, la société d’assurance invoquait une clause d’exclusion de garantie liée à la conduite sans permis, laquelle était acceptée par le Tribunal.

Par un arrêt en date du 23 juin 2023, la Cour d’appel de Rennes confirmait l’opposabilité de la clause au propriétaire du véhicule au motif qu’il avait laissé en connaissance de cause son véhicule être conduit par une personne sans permis.

Pourvoi en cassation de la part du FGAO qui contestait l’opposabilité de cette clause au regard des directives européennes.

3/ La solution :

Par un arrêt en date du 19 novembre 2024, la Cour de cassation a considéré que le fait pour la victime passagère d’avoir laissé conduire son véhicule par une personne non titulaire du permis de conduire ne peut le priver de la qualité de tiers lésé au sens de la directive 2009/103/CE.

En opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation s’est donc alignée avec la réglementation européenne et son interprétation par la CJUE.

Dès lors et à présent, peu importe la connaissance préalable qu’un passager avait de la situation de celui qu’il a laissé conduire, l’assureur ne peut pas lui opposer les clauses exclusives de garanties du contrat d’assurance.

Cette décision vient incontestablement renforcer la protection des victimes d’accidents de la circulation et plus précisément des victimes passagères, en conformité avec les directives européennes sur l’assurance automobile, même lorsque leur comportement pourrait être considéré comme négligent.

(Cass. crim., 19 novembre 2024, n° 23-85.009)

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